Description
Nous suivons le parcours d’un poète qui ne craint jamais de raconter, de livrer des chroniques, des faits qui peuvent passer pour des miettes d’humanité, indignes de la création poétique. Comme si seules importaient les louanges des héros ou des dieux !
Dans ses textes, la langue ne reste pas desséchée, réduite à des substantifs dispersés, châtrée de sa force verbale, faute de récit ou par oubli de syntaxe.
On y voit des choses, des objets qui paraissent les plus simples, une table, un couteau ou une houe. Les mots deviennent ainsi des parcelles d’existence, regards tournés vers des vies ordinaires, sans aucun misérabilisme cependant.
Des broutilles essentielles où le poète ose parler des pauvres gens, sans honte, tels qu’il les voit. Des textes qui touchent à l’humain, au plein de l’existence. Avec une langue qui n’est pas pauvre, mais maîtrisée, sans pathos, avec des mots qui paraissent suivre un cours naturel. Tel le forgeron qui affute le fil de la faux. Car, comme Rouquette le dit ailleurs, “les paroles se laissent mener à l’abattoir”.
Sa langue se construit comme miroir du paysage, forgé par le travail des hommes, elle se heurte au passé et revient, obstinée, vers les hommes et les femmes de chaque jour.
Avec un son de voix qui prête attention à la fille idiote comme au notaire haïssable, à celui qui tue le cochon comme au saint. Un poète qui sait dire, comme peu le savent faire, la pauvreté de l’idiot et sa beauté. L’homme, avec l’aide de Dieu, est ici clé de voute.
Une écriture qui proclame aussi la beauté de la langue et qui s’adresse à Dieu, non au tout puissant, mais à l’amoureux. Tandis que l’écrivain qui veut aller vers le peuple et qui désespère de ne pas l’acueillir chez lui se retouve ainsi prophète sans cortège.
Depuis les premiers textes publiés, depuis Le mal de la terre ou L’écrivain public, jusqu’à L’ordinaire du monde et Limousin’s blues, nous ressentons toujours le même attachement à l’atelier poétique, sans aucune trêve.
Dans une quête obstinée de paroles, sans être bien sûr de les trouver toujours. Mais, comme le dit Rouquette, la faim, seule, est nourriture. C’est cela, le travail du poète, jour après jour.
Écrire seulement, pour vivre. En langue occitane, pour la sauver, et se sauver.
Jean Eygun