Chantal Fraïsse est née en 1954 dans une famille de paysans du Quercy, sur les coteaux de Moissac en Tarn-et-Garonne. C’est dans sa famille et le milieu rural où elle grandit que l’occitan s’impose comme l’autre langue maternelle, au côté du français. Imprégnation naturelle qui va de pair avec la certitude transmise par mille signes que le « patois » n’est pas vraiment présentable : langue de l’intérieur, des vieux, des jurons ou des troupeaux de vaches… En 1972 elle entre à l’université Paul Valery de Montpellier où ses études de linguistique la conduiront à rédiger une thèse sous la direction de Robert Lafont : elle y apprendra que l’occitan est une langue, comme une autre. Après quelques années passées au service de l’Education nationale, Chantal Fraïsse revient au pays comme conservatrice dans la petite cité moissagaise au riche patrimoine roman (cloître aux chapiteaux de l’an 1100, portail historié et collections lapidaires, etc.). Elle refait alors un parcours universitaire, en histoire de l’art cette fois. Elle va s’intéresser tout particulièrement aux manuscrits enluminés produits par les moines de l’ancienne abbaye Saint-Pierre de Moissac, aux XI et XIIe siècles, à l’époque de la floraison romane. La question des liens entre les images peintes ou sculptées et l’exégèse médiévale vont rapidement devenir essentielles dans son approche de la période médiévale. Des articles sont publiés dans plusieurs revues spécialisées, notamment dans les Cahiers de Civilisation médiévale et un ouvrage édité en 2006 tente de faire le point et de renouveler les connaissances sur le vieux monastère moissagais : « Moissac mille ans de vie bénédictine ». Pourtant les archives de la ville de Moissac dont la pièce la plus ancienne remonte au XIIIe siècle ramènent souvent Chantal Fraïsse qui les côtoie tous les jours vers les mots occitans qu’on n’a pas oublié : des mots qui transparaissent derrière le français raidi des formules officielles, souvent les mots de la terre et de ceux qui la connaissent.
Au moment pour elle de franchir le pas entre l’écriture codifiée de la science historique et l’écriture qui jette bas quelques masques – l’écriture tout simplement – le choix s’imposa : ce serait l’occitan avec les mots de l’enfance qui se prolonge sans faiblir pour parler de La bèstia de totas las colors.
Titre publié par Letras d’Òc : La bèstia de totas las colors.